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Les Rencontres de l'Art Postal
4 août 2009

IL FAUT EN FINIR AVEC L'ARTICLE 227-24

L'article 227-24 du Nouveau Code Pénal, dans son contexte:

« LOI n° 92-684 du 22 juillet 1992 portant réforme des dispositions du code pénal relatives à la répression des crimes et délits contre les personnes (1). L'Assemblée nationale et le Sénat ont adopté, Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit: Article unique. - Les dispositions du code pénal relatives à la répression des crimes et des délits contre les personnes sont fixées par le livre II annexé à la présente loi. (...)

La présente loi sera exécutée comme loi de l'Etat. Fait à Paris, le 22 juillet 1992. FRANCOIS MITTERRAND Par le Président de la République: Le Premier ministre, PIERRE BEREGOVOY Le garde des sceaux, ministre de la justice, MICHEL VAUZELLE.

ANNEXE LIVRE II DES CRIMES ET DELITS CONTRE LES PERSONNES (...) CHAPITRE VII Des atteintes aux mineurs et à la famille (...) Art. 227-24. - Le fait soit de fabriquer, de transporter, de diffuser par quelque moyen que ce soit et quel qu'en soit le support un message à caractère violent ou pornographique ou de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine, soit de faire commerce d'un tel message, est puni de trois ans d'emprisonnement et de 500 000 F d'amende lorsque ce message est susceptible d'être vu ou perçu par un mineur. »
http://www.droit.org/jo/19920723/JUSX8900010L.html

On l'a vu, tout est dans le "susceptible de". Si cette loi miterrandienne, par sa formulation équivoque et son souci de la moralité de "la famille" , n'est pas sans rappeler le tristement célèbre "Code de la famille" pétainiste,  c'est qu'elle en est le descendant direct. Comme c'est curieux...

Cet article anachronique /susceptible de/ faire courir un sérieux danger à la liberté d'expression a été dénoncé en maintes occasions en raison de sa formulation imprécise autorisant tous les abus:

- Rapport de Mme Blandine KRIEGEL du 10 juillet 2002 au Ministère de la Culture, sur la violence et la pornographie à la télévision:

«La difficulté d'interprétation de l'article 227-24 du Code pénal tiendrait, pour une part, à l'emploi par le législateur d'une série de critères alternatifs ("un message à caractère violent "ou" pornographique "ou" de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine"), qui aboutit à une incrimination à l'évidence excessivement ouverte. (...) Contrairement aux craintes exprimées par les créateurs, artistes et gens de presse lors de l'entrée en vigueur du nouveau Code pénal, l'article 227-24 n'a pas connu une application fréquente. Il convient cependant de faire état des critiques faites au caractère arbitraire et nécessairement subjectif des applications jurisprudentielles qui en ont été faites (...). L'article 227-24 est apparu aux yeux de certains comme un lointain héritage d'un "ordre moral" qui n'avait plus cours. (...)»
http://www.culture.fr/culture/actualites/communiq/aillagon/
RapportBK.rtf.

- Lors du séminaire "L'art contemporain confronté au droit" tenu le 8 juin 2006 sous le haut patronage de la Délégation aux Arts Plastiques, Mme Agnès TRICOIRE, Avocat au Barreau de Paris,  déléguée du groupe culture de la Ligue des Droits de l'Homme, rappelait que l'article 227-24 descendait en droite ligne du "Code de la Famille" instauré sous le régime de Vichy:

«L'origine nauséabonde de cet article et la jurisprudence antérieure : Le décret-loi du 29 juillet 1939 qui figurait dans un chapitre 3 du Code pénal intitulé délicatement "Protection de la race" punissait "tous imprimés, tous écrits, tous dessins, objets ou images contraires aux bonnes moeurs", et devint l'article 283 du Code pénal figurant dans le chapitre "Crimes et délits contre les personnes", punissant l'outrage aux bonnes moeurs d'un mois à deux ans de prison et d'une amende de 360 à 30.000 F. (...)

Entrait dans le domaine d'application de l'article 283 du Code Pénal "toute manifestation de la pensée ou de l'image qui, sans mériter la qualification d'obscène, et sans être spécialement licencieuse, fait appel, par son caractère offensant pour la pudeur, à la recherche systématique d'une excitation érotique aux instincts et aux appétits les plus grossiers de l'être humain".

L'article 227-24, qui figure désormais dans la partie du code pénal concernant les mineurs, n'était pas prévu dans le projet gouvernemental du Nouveau Code Pénal et a été ajouté par la Commission Mixte à l'initiative de la fédération des familles de France . Il réprime les délits par voie de presse beaucoup plus largement que l'outrage aux bonnes moeurs : sont désormais pénalement répréhensibles les messages violents, pornographiques ou de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine lorsque ces messages sont susceptibles d'être vus ou perçus par un mineur.»
http://www.artdroit.org/pdf/
Actes%20du%20S%E9minaire%20Art%20et%20Droit%20du%208%20juin%202006.pdf.

Enfin, il faut souligner les sanctions disproportionnés que l'inconscient pornographe par assimilation risque d'encourir si un quelconque militant de l'ordre moral est décidé à lui faire la peau.

En comparaison:

«Art. 227-23. - Le fait, en vue de sa diffusion, de fixer, d'enregistrer ou de transmettre l'image d'un mineur lorsque cette image présente un caractère pornographique est puni d'un an d'emprisonnement et de 300 000 F d'amende. (...)
Art. 227-25. - Le fait, par un majeur, d'exercer sans violence, contrainte, menace ni surprise une atteinte sexuelle sur la personne d'un mineur de quinze ans est puni de deux ans d'emprisonnement et de 200 000 F d'amende. (...)
http://www.droit.org/jo/19920723/JUSX8900010L.html

Bilan: diffuser un message "susceptible de" coûte aussi cher que la pédo-pornographie et l'atteinte sexuelle sur un enfant! Le harcèlement judiciaire dont vient d'être victime Philippe Pissier, son procès systématiquement mené à charge, démontrent qu'un avorton d'article de loi inepte, qui, paraît-il, ne risque pas d'être appliqué souvent (on l'a rajouté en dernière extrémité pour faire plaisir aux cathos intégristes, il fallait bien essayer de contenter tout le monde, n'est-ce pas...) peut se révéler une arme antipersonnel dévastatrice entre des mains aussi expertes que malveillantes. Il est donc souhaitable d'éliminer dans les plus brefs délais ce graffiti qui déshonore notre Code pénal, et d'obtenir l'abrogation de l'article 227-24.

Zorïn
Graphiste, responsable de communication.

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